Jeune holding animatrice
    et bénéfice du pacte Dutreil

Actualité Autres, Fiscal, Juridique, Patrimoine du 8 octobre 2020

En cas de décès accidentel du dirigeant, la succession entraînant la transmission de l’entreprise aux héritiers impliquerait à leur égard une forte taxation, si aucune mesure n’est prise en amont. Ces derniers pourraient alors être contraints de vendre dans la précipitation le travail de toute votre vie en vue d’acquitter les droits de mutation. Le pacte Dutreil permet de pallier ce risque en mobilisant un cadre juridique, patrimonial et fiscal optimisé, qui offre également des avantages en cas de donation volontaire de l’entreprise. Le dispositif Dutreil est une carte que tout dirigeant se doit d’avoir en main !

Notre juriste en droit fiscal et en droit des affaires, Rudi FIEVET, vous invite à ne pas confondre vitesse et précipitation dans la mise en exécution du pacte Dutreil, dans une situation mobilisant une société holding de groupe.

Le contexte du pacte

Deux sociétés opérationnelles, déployant une activité commerciale identique en deux lieux distincts, ont confié à la société qui détenait désormais leurs titres, le soin de définir et faire respecter la politique générale du groupe ainsi constitué.

Huit jours seulement après la constitution de cette troisième société, le dirigeant associé effectua une donation de titres au profit de son enfant. Le donateur revendiqua le bénéfice du dispositif Dutreil qui offre, au préalable, un abattement de 75 % sur la valeur transmise.

Autrement dit, la taxation de cette mutation à titre gratuit frappa seulement 25 % de la valeur réellement transférée à son descendant.

La position de l’administration fiscale

L’administration fiscale considéra que le mécanisme n’était pas applicable en l’espèce, en particulier car une société holding ne pourrait en bénéficier que si elle présente un caractère animateur de son groupe. Elle adressa une proposition de rectification au couple, puis un avis de mise en recouvrement au dirigeant associé.

Ce dernier contesta par devant le tribunal administratif de Dijon la mise à sa charge de droits supplémentaires. Le litige fut ensuite porté par devant la Cour d’appel de Dijon qui décida, le 24 octobre 2017, que ce caractère n’était pas démontré : l’administration aurait en conséquence eu raison de rappeler ces droits de mutation.

Le contribuable décida alors de se pourvoir en cassation, et invoqua à cet effet les contrats d’assistance et de gestion régulièrement conclus entre les sociétés, et divers procès-verbaux de décisions. Selon lui, l’activité d’animation à la date de la transmission des titres n’exigeait pas une effectivité immédiate de ce rôle, et en tout état de cause ne saurait conduire à exiger que la holding justifie d’actes d’animation accomplis de manière régulière depuis un laps de temps suffisant. Cela ajouterait une condition à la loi, écartant de fait toute société nouvellement créée. En substance, si les conditions juridiques (la conclusion des contrats) et factuelles (la mise en œuvre des prestations d’animation) sont réunies, alors le bénéfice du dispositif devrait également profiter aux jeunes sociétés.

La Cour de cassation vient de décider de casser l’arrêt du juge d’appel, et de décharger le contribuable des droits rappelés.

Toutefois, c’est sur un moyen de pure procédure que le contribuable l’emporte : les principes du contradictoire et de la loyauté des débats n’ont pas été respectés à son endroit par l’administration. La procédure d’imposition est dès lors irrégulière, et doit être annulée ; il n’y a même pas lieu de renvoyer l’affaire à un autre juge d’appel.

La Cour de cassation mobilise malheureusement le principe de l’économie des moyens. Si l’un des arguments est de nature à faire succomber l’État (ou toute autre partie au litige), alors il n’y a pas lieu de répondre aux autres. Elle s’abstient en conséquence de répondre à la question de savoir si une société immatriculée 8 jours plus tôt peut présenter un caractère animateur, et ne sécurise donc pas ce point du régime du pacte Dutreil. Il aurait été souhaitable qu’elle se fende d’un orbiter dictum en vue de préciser expressément sa position.

Quels conseils en résultent ? 

Dans l’attente d’une réponse à cette interrogation qui serait éventuellement apportée par toute norme française ou européenne, nous ne pouvons que recommander la plus grande prudence. Ainsi, sauf cas très particuliers, il sera toujours préférable de laisser passer au moins quelques mois après la constitution de la société holding afin qu’elle matérialise son caractère animateur au-delà de la tenue de son secrétariat juridique, ce qui implique d’une part, de préparer en amont la transmission des titres de l’associé – ou du moins son cadre juridique et fiscal –, et d’autre part de densifier autant que possible cette animation, afin que l’administration ne soit pas tentée de la contester.

[Com., 18 mars 2020, n° 17-31.233 ; CA Dijon, 24 oct. 2017, n° RG 16/00993]

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Auteur : Rudi FIEVET – Juriste droit fiscal – droit des affaires