FISCAL – Consécration tardive de l’unicité de l’IS

Actualité Fiscal du 18 septembre 2018

Par deux décisions récentes, le Conseil d’Etat manifeste une franche libéralisation des imputations de crédits d’impôt et de déduction de charges d’exploitation en matière d’impôt sur les sociétés (IS) lorsqu’une entreprise relève de plusieurs taux distincts.


C’est le long article 219 du Code général des impôts qui liste la majorité des taux applicables en matière d’impôt sur les sociétés.
On y retrouve, pour les plus usités :
• le taux réduit pour les PME de 15 % jusqu’à 38 120 € de bénéfice,
• le taux normal de 33,1/3 %, qui se situe actuellement dans une trajectoire de diminution en vue de réintégrer la moyenne des taux européens de 25 % à l’horizon 2022, peut-être en vue d’une harmonisation effective par le droit européen,
• le taux de 0 % des plus-values à long terme sur titres de participation, en contrepartie de la réintégration d’une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 12 %.

 

Le 27 juin dernier, le Conseil d’Etat, dans un arrêt BPCE (à lire en parallèle de l’arrêt Crédit Agricole du même jour), a opéré un revirement de jurisprudence remarqué, permettant à une société d’imputer sur la fraction d’impôt sur les sociétés ressortant d’un taux réduit, des crédits d’impôt accordés en vue d’éliminer la double imposition sur des revenus perçus de l’étranger imposés en France selon le taux normal.

Auparavant…

La société aurait été tenue par une jurisprudence du Conseil d’Etat de 2012, d’imputer les crédits d’impôt sur la seule fraction d’impôt sur les sociétés provenant de l’application du taux normal. L’excédent éventuel serait tombé en non-valeur et aurait été perdu, car ces crédits d’impôt ne sont pas reportables, aux dires récents (et contestables) du Conseil constitutionnel.

Désormais…

Le crédit d’impôt s’impute indifféremment sur la cotisation d’impôt sur les sociétés, sans avoir à distinguer selon les taux. Le Conseil revient donc à une solution de sagesse, à savoir l’unicité de l’impôt sur les sociétés.

Dans une seconde espèce, certes plus technique et rendue en matière de société d’investissement immobilier cotée (SIIC), qui relève du régime particulier de l’article 208 C du CGI, le juge de l’impôt rappelle que l’impôt sur les sociétés est établi sous une cote unique en vertu de l’article 218 du CGI, à moins que d’autres dispositions législatives ne prévoient une imposition séparée – comme pour certaines plus-values par exemple.

Par renvoi de l’article 209 du CGI, les règles en matière de bénéfices industriels et commerciaux de l’article 38 dudit code s’appliquent afin de définir l’assiette de l’impôt. Lorsqu’un texte, en l’occurrence l’article 208 C ter du CGI, indique qu’il convient de réintégrer une plus-value au résultat fiscal de la société, cela revient à soumettre cette plus-value aux règles d’assiette qui gouvernent l’ensemble de la base taxable à l’impôt sur les sociétés. De simples règles de taux notamment, n’ont pas pour effet ni pour objet de déroger aux règles d’assiette.

En d’autres termes, cette plus-value n’a pas à être imposée séparément et surtout, le Conseil d’Etat énonce le principe de fongibilité des produits et des charges soumis à des taux différents, permettant ainsi de compenser les plus-values en cause par le déficit du secteur taxable.

Au vu de la rédaction très générale, l’apport de l’arrêt semble transposable à toute mesure équivalente, c’est-à-dire hors de la seule situation des SIIC.

 

Ces deux décisions sont une excellente nouvelle car elles mettent fin à une distinction artificielle de l’impôt sur les sociétés et permettent de réduire tantôt son assiette, tantôt son montant.

Auteur : Rudi FIEVET – Juriste droit fiscal – droit des affaires