FISCAL – Cession de crypto-monnaies et obligations déclaratives

Actualité Entrepreneuriat, Fiscal du 9 juillet 2019

Nous faisons un point sur les obligations déclaratives des cédants à titre occasionnel de crypto-monnaies et aux détenteurs de portefeuilles à l’étranger. 

Les particuliers souhaitant profiter des cours du Bitcoin, du Ripple et autres crypto-monnaies doivent prendre conscience qu’ils sont au croisement de deux législations fiscales, l’une visant la transparence et la lutte contre le blanchiment d’argent, l’autre assurant à l’Etat qu’aucun revenu, même nouveau ou fortement lié à la technologie, n’échappe à une juste taxation.

Suite aux péripéties relatives aux modalités d’imposition des gains – doctrine administrative amendée par le Conseil d’Etat –, le législateur français est intervenu en votant l’article 41 de la loi de finances pour 2019 (L. n° 2018-1317 du 28 déc. 2018).

C’est ainsi que, désormais, les particuliers cédant des actifs numériques subissent le prélèvement forfaitaire unique au taux de 30 %, incluant 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux (par combinaison des articles 150 VH bis et 200 C du Code général des impôts). Il est d’ores et déjà à préciser que la barémisation optionnelle de ces revenus, c’est-à-dire leur soumission non à l’imposition forfaitaire mais au barème progressif à tranches de l’impôt sur le revenu, n’est pas prévue.

En l’état du texte légal, le contribuable devait déclarer annuellement, dans sa déclaration de revenus, la plus-value ou la moins-value réalisée. Le détail de toutes les opérations devait être joint en annexe.

L’article 150 VH bis, V-B du CGI précise qu’un décret détermine les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux personnes interposées. C’est désormais chose faite, avec la publication le 28 juin 2019 du décret n° 2019-656 du 27 juin 2019, relatif aux obligations déclaratives […].

Les obligations déclaratives

Deux nouveaux articles sont insérés à l’annexe III au Code général des impôts, à savoir les articles 41 duovicies J et K.

L’article duovicies J de ladite annexe dispose que l’annexe à la déclaration annuelle des revenus du foyer fiscal doit préciser :

  • – le prix de cession, avec le détail des frais supportés voire de la soulte reçue,
  • – le prix d’acquisition, faisant apparaître tous prix et valeurs y concourant, en particulier des soultes en cas d’échanges antérieurs,
  • – la valeur globale du portefeuille d’actifs numériques, évaluée au moment de la cession,
  • – le montant de la plus ou de la moins-value réalisée,
  • – la somme de l’ensemble des plus et moins-values imposables réalisées au cours de la même année.

En revanche, s’agissant des cessions exonérées, c’est-à-dire celles dont le cumul des prix n’excède pas 305 €, seuls les éléments relatifs au prix de cession doivent être mentionnés.

Lorsqu’un intermédiaire intervient dans l’opération de cession, les obligations déclaratives sont allégées. Seule la quote-part de plus ou de moins-value transmise par ledit intermédiaire doit être indiquée.

Enfin, le contribuable conserve les documents y afférents afin de les produire dans les 30 jours d’une demande de l’administration fiscale.

L’article 41 duovicies K de l’annexe III au CGI, nettement plus court, dispose que les personnes interposées, également tenues d’une obligation de conservation et d’information à première demande de l’administration, doivent servir une annexe reprenant les éléments prévus à l’article 41 duovicies J ci-dessus, ainsi que la répartition entre associés ou membres.

En d’autres termes, les contribuables doivent être vigilants en matière de déclarations de revenus lorsqu’ils spéculent, dans le cadre de la généralisation de l’obligation déclarative des plateformes internet.

Les comptes d’actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger

Le Code général des impôts contient une section dédiée aux obligations déclaratives des contribuables, commençant par celles relatives aux comptes financiers, aux contrats d’assurance-vie et aux trusts, aux articles 1649 A et suivants. Puis, vient une partie intitulée « déclaration relative aux actifs numériques », mise en place par la loi de finances pour 2019 et comprenant l’article 1649 bis C, dans une rédaction différée jusqu’au 1er janvier 2020.

En vertu de cet article, les personnes physiques, associations et sociétés n’ayant pas la forme commerciale, mais établies en France, devront déclarer en même temps que leurs revenus ou résultats, les références des comptes d’actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger.

Cet article devait également être précisé par décret, d’où les nouveaux articles 344 G decies et 344 G undecies de l’annexe III au CGI.

Ainsi, doit être déclaré tout compte ouvert, détenu, utilisé ou clos, par tout membre du foyer fiscal en ce compris les personnes rattachées, auprès de toute personne, de droit privé comme de droit public. Le dépositaire doit cependant recevoir habituellement en dépôt de tels actifs numériques.

La détention ratisse large : être titulaire n’est pas nécessaire, le détenteur pouvant être co-titulaire, bénéficiaire économique ou ayant droit économique.

En outre, l’utilisation est rapidement caractérisée, puisqu’est réputé avoir été utilisé le compte sur lequel au moins une opération de crédit ou de débit a été effectuée au cours de la période en question.

Chaque compte doit être mentionné distinctement dans l’annexe à la déclaration de revenus ou de résultat, et son usage (privé, professionnel ou mixte) doit apparaître.

L’article 344 G undecies clarifie le contenu de la déclaration de compte et requiert notamment :

  • L’identification et l’adresse du dépositaire ou gestionnaire du compte,
  • La désignation du compte (numéro, nature, usage et type),
  • La date d’ouverture ou de clôture du compte au cours de l’année ou de l’exercice,
  • L’identification du déclarant.

Rappelons qu’en vertu de l’article 1736 du CGI, le manquement à cette obligation déclarative fait peser le risque d’une amende de 1 500 € par compte non déclaré, voire de 10 000 € si le compte est tenu dans un pays avec lequel la France n’a pas conclu de convention facilitant le travail de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale de la DGFiP.

Enfin, en cas de contrôle, les pénalités les plus importantes (80 %) trouveront à s’appliquer (CGI, art. 1729-0 A).

Les plateformes d’achat et vente de crypto-monnaies étant généralement étrangères, les particuliers sont invités à prêter une grande attention à ces nouvelles obligations déclaratives et fiscales.

Auteur : Rudi FIEVET – Juriste droit fiscal – droit des affaires