FISCAL – Les dons aux oeuvres dans le prélèvement à la source

Actualité Associations, Fiscal du 17 mai 2018

A compter du 1er janvier 2019, l’impôt sur le revenu sera partiellement prélevé à la source, de manière pseudo-contemporaine. En contrepartie, l’imposition des revenus perçus en 2018 sera neutralisée par un crédit d’impôt spécifique. Il est cependant prévu que les dons au titre du mécénat conservent leur effet fiscal, par un remboursement en septembre 2019 des réductions d’impôt afférentes.

Précédemment …

Pour le particulier, la réduction est de 75 % du versement au profit d’un organisme d’aide aux personnes en difficulté jusqu’à 531 €, et de 66 % au-delà de cette somme. Si le bénéficiaire n’est pas qualifié comme tel, le taux est de 66 %. Cet avantage n’est accordé que sous condition, bien sûr, que la structure soit éligible au régime fiscal du mécénat. En outre, les versements sont fiscalement plafonnés à 20 % du revenu imposable du foyer fiscal.

Auparavant, le contribuable déclarait fin avril ou début mai ses revenus de l’année précédente, et indiquait le montant de ses oboles. En septembre, était appelée sa cotisation d’impôt réduite en conséquence. Lorsqu’elle était insuffisante à absorber la réduction d’impôt, le reliquat était reportable sur l’impôt dû au titre des 5 années suivantes.

Et dans le cas du prélèvement à la source ?

En 2019, le contribuable fera de même. Cependant, un crédit d’impôt annulera l’imposition des revenus ordinaires perçus en 2018. De fait, la réduction d’impôt n’aura pas de base sur laquelle s’imputer, pour une majorité de contribuables.

Ces derniers pourraient ainsi décider de reporter leur geste désintéressé pour ultérieurement, en ressentir immédiatement les effets fiscaux. Bien évidemment, un tel mouvement aurait un impact dévastateur sur les budgets associatifs, comptant largement sur les dons notamment récurrents, à l’heure où les subventions publiques se raréfient et où la concurrence avec le secteur marchand se renforce.

Afin d’éviter ce comportement dilatoire au cours de l’année de transition, le gouvernement a décidé de restituer immédiatement les réductions d’impôt.

Seuls les contribuables disposant de revenus exceptionnels, non inclus dans le champ du salutaire crédit d’impôt, auront effectivement une cotisation d’impôt sur le revenu à acquitter en 2019, qu’ils pourront écraser par réduction d’impôt. Ils ne bénéficieront pas, en conséquence, d’une telle mesure de remboursement, leur cotisation excédant par hypothèse le quantum de réduction d’impôt disponible.


Un exemple chiffré

Prenons l’exemple d’un couple marié, salariés, trois enfants, avec 24 000 € de revenus pour monsieur et 36 000 € pour madame. Leur impôt sur le revenu serait de 1 484 € à règles fiscales constantes. Leur crédit d’impôt serait égal à ce même montant, car les époux ne disposent que de revenus ordinaires.
Si ce même couple avait versé 531 € à une association éligible à la réduction fiscale au taux de 75 %, leur impôt tomberait à 1 086 €. Le crédit d’impôt viendrait de la même manière annuler cette dette fiscale, sans que le couple ne ressente les effets fiscaux de leur don.
Le gouvernement a ainsi décidé que le compte bancaire du couple recevrait de l’administration fiscale les 398 € de réduction d’impôt et que le crédit d’impôt spécifique viendrait gommer l’imposition des revenus 2018.
Si ce même couple perçoit un pas-de-porte de 10 000 €, exceptionnel par nature, son imposition initiale sera de 3 070 €, après imputation de la réduction d’impôt. Le crédit d’impôt « année blanche » ne viendra toutefois effacer que l’imposition des revenus ordinaires. Il restera ainsi à verser, au titre de l’imposition des revenus exceptionnels, une somme de 480 €. Sans réduction d’impôt, l’impôt subsistant dû aurait été de 542 €. Le couple aura alors un effet fiscal, bien qu’amoindri du fait de la méthode de calcul retenue pour la neutralisation de l’impôt.
Le couple aux 3 enfants et 60 000 € de salaires supportera dès 2019 un taux de prélèvement de 2,5 %. Il pourra sur option, dès la déclaration des revenus 2018, individualiser les taux, Monsieur à 1,7 % et Madame à 3 %. Il pourra encore recourir au taux neutre, si la question de la confidentialité vis-à-vis de l’employeur l’inquiète.
Qu’ils exposent ou non des versements éligibles au mécénat, leur taux ne sera pas aménagé en conséquence. En d’autres termes, l’effet fiscal des dons sera bel et bien reporté chaque année, au mois de septembre suivant, pour être imputé sur les prélèvements mensuels suivants jusqu’à extinction.

Avance, régularisation, modulation du taux de prélèvement

L’administration fiscale, pour justifier cette avance constante de trésorerie en sa faveur, qui résulte de la non-intégration des dons dans le calcul du taux applicable, déclare que le contribuable peut cesser de verser à tout moment et dès lors ne doit pas profiter d’un taux anormalement bas. La défiance est palpable.

C’est oublier que, de toute manière, la régularisation devra être opérée l’année suivante, la déclaration de revenus et la liquidation de l’impôt sur le revenu étant évidemment maintenues. C’est accepter le principe selon lequel le contribuable doit, sans justification satisfaisante, sur-cotiser au cours de l’année, et donc supporter un taux anormalement haut.

C’est encore faire abstraction du mouvement de fidélisation des donateurs, dans un contexte accru de philanthropie et de réduction des coûts d’appels aux dons via la mise en place du prélèvement automatique au profit des oeuvres d’intérêt général.

C’est enfin omettre la faculté ouverte aux contribuables de moduler leur taux de prélèvement, via l’application GestPAS disponible au 1er janvier 2019 dans l’espace personnel sur le site impôt.gouv.fr. S’ils mettent en place un don, régulier ou non, ils pourront en estimer l’effet fiscal et réduire le taux en conséquence pour profiter au plus tôt de l’économie qui en résulte. Cependant, des conditions d’admission des modulations à la baisse ont été posées, et des sanctions existent en cas d’écart trop important. A l’inverse, le foyer fiscal qui cesserait de donner pourrait sans contrainte et même serait incité à moduler à la hausse son taux, afin de réduire la nécessaire régularisation à intervenir au cours du mois de septembre suivant.

Auteur : Rudi FIEVET – Juriste droit fiscal – droit des affaires